La Mission - CrazyJoy.

Je me tiens là, couchée dans l'herbe au sommet d'une colline, j'observe la vaste étendue de nature qui s'offre à moi. Le grand astre est prêt à se coucher, il laisse sur le paysage une couleur chaude. Les champs et les forêts s'étendent à perte de vue et sont coupés par quelques petits ruisseaux. Une légère brise vient frôler mon corps et faire onduler mes cheveux. Tout est immobile et calme. Je me trouve là où vous voudriez vous trouver. Je me trouve là où il voudrait me trouver.

Voila bientôt une heure que je cours. Épuisé et chancelant je me retourne pour vérifier le temps qu'il me reste. Pas plus d'une heure, il est trop bas dans le ciel pour me laisser plus de temps. Je souffle une bonne fois, puis deux. J'ai chaud, je décide donc d'ôter mon haut. Ne sachant pas où le mettre je le jette, après tout je n'en aurai pas besoin. Ma pulsion cardiaque tape dans ma tête. Je veux m'arrêter mais je ne le peux pas, il faut que j'atteigne mon objectif. Il faut que je l'atteigne elle.

Mes doigts frôlent l'herbe fraiche. Je ferme les yeux durant quelques minutes. Puis j'entends des pas pressés, ils proviennent d'en bas. Je me relève, à présent assise, pour m'informer de cette étrange perturbation. Mon cœur se met alors à doubler de vitesse. Un homme approche ... où devrai-je dire un Dieu. Le soleil couchant forme autour de lui un halo de lumière. Tout en me baissant j'arrive à distinguer son corps. Seul le mot parfait pourrait le définir. Il est grand, musclé comme il le faut et le teint de sa peau est légèrement halé. Sa chevelure dorée tombe en bataille sur son visage, qui se trouve être aussi séduisant que tout le reste. Seulement il me faut mettre fin à cet extase. Il arrive. Ne sachant que faire je m'étale par terre m'imitant plongé dans un sommeil profond.

Enfin arrivé. Enfin à côté d'elle, ne prenant même pas le temps de respirer je la prends dans mes bras. Ses cheveux se collent sur mon torse humide. Je la regarde alors pour la première fois. Elle est telle qu'il me l'avait représenté, séduisante et pourtant si candide. Surement plongée dans un beau rêve son expression en est resplendissante. Je m'imagine son regard, il doit être si chaleureux. Mais soudain l'obscurité grandissante du paysage me rappelle ma mission. Il me faut puiser en elle toute la chaleur dont elle a été doté. Elle ne s'en doute pas mais je suis au service des Bpoxhs. Bien sur je n'en suis pas un. Ils m'ont retrouvé il y a quelques semaines et se servent de moi pour leur ramener ce que nous autres Κypiakhs appelons notre Kapola. Ce travail dévastateur me dégoute seulement je ne peux me rebeller face à eux. Je suis trop seul pour ça.

Le long silence qui s'installait me mettait mal à l'aise. De plus, le soleil n'allait pas tarder à disparaitre, sa chute allait m'entrainer dans des cauchemars plus morbides encore qu'une descente aux Enfers. Il fallait donc que je rejoigne la Cité au plus vite, les fondateurs de celle-ci, nos ancêtres, avaient invoqué une puissance si forte qu'il était impossible aux Bpoxhs de posséder l'enceinte même, ainsi que les alentours, de Eldravnaha.
Je repris alors ma question, plus pressée que jamais :
- Que me veux-tu ?
- Je ne peux te le dire, j'en mourrais de honte, me dit-il droit dans les yeux.
Devant ce regard si sincère, je décidai d'être moins méfiante. Quelques secondes passèrent avant que je me décide donc à poser ma main sur son torse, juste au niveau de sa Kapola. Dès que cela fut fait, ses sensations m'atteignirent et se mirent à tourbillonner en moi : l'amour, la haine, la peur, l'attente, l'effort, l'envie... Je ressentai tous ce qu'il ressentait mais n'arrivai cependant pas à lire précisément ce qu'il voulait signifier par "honte" et "dégoût".

Je me retenais de ne pas la lâcher, sa main me brulait...C'était donc ça que voulait dire nos ancêtres par " Un seul déshonneur consumera tout ton amour " ... Qu'avais-je fait ? Je savais pourtant très bien qu'il n'y avait presque plus de chances que Maïka et Adelphê soient encore en vie. Oui, car c'était pour elles que j'avais tué tous ces innocents. C'était pour ma mère et ma sœur. Elles, que j'aimais. Elles, qui criaient, image que je n'arrivais pas à oublier. Je serrai les poings de haine, un cri retentit. Je ne m'étais pas rendue compte que mes yeux s'étaient fermés, ni que j'avais déversé ma souffrance sur cette pauvre Deomoïvida. Elle me regarda, plus rien n'émanait de son regard. Je voulus m'excuser mais très vite je compris que ce n'était pas moi qui la faisait réagir d'une telle manière, mais la pénombre qui m'entourait. Elle ne pouvait plus rentrer à la Cité, l'entrée n'était plus accessible dès que le dernier rayon de soleil quittait le ciel. Elle était perdue, une mort de plus pesait sur mes épaules. Je poussai un cri de rage et tapai un caillou qui partit en direction d'une grotte. Non, elle pouvait encore vivre, il y avait la naïkiac.